LA PROPHECIE du Roi CHARLES VIII
O bon Roy de
prudence, Qui, en France, Et par tous ses confins, A mys grant
pourvéance Ordonnance, Pour mieulx à toutes fins Qu'aucuns de ses
voysins, Caultz ou fins, Ne vinssent fraper sus; Les
circunvoysins Par ainsins Sur luy ne pourront plus.
Et n'est-ce pas
ung don de Dieu Qu'il a transmis au roy de France, Qu'en l'Italie, en
maint lieu, II a parfaite intelligence? Ce noble roy par sa
prudence, Ytaliens, sans coup férir, A réduiz à son aliance; Chascun ly
vient au secourir.
Noble pays ytalien, Vénissiens et
Mylannoys, Qui, vers le roy très chrestien, S'en sont venus, et
Colonnoys, Aussi les seigneurs genevoys. Qui sont les roys de la grant
mer. Tous se sont declairez Françoys, Voyans le roy au Turc
aller.
Vénissiens tousiours la guerre Aux Turcs ont faicte par long
temps. Ils sont puissans par mer, par terre, Pour le roy sont, comme
j'entends : Ils ont douze nefz navigans, Trente deux gallères
subtiles, Vingte deux galliaces grans, Qui pour le roy viennent
habiles.
Aussi les seigneurs genevoys Baillent, comme j'ay ouy
dires, Treze grans nefz au roy françoys Qui sont sacs es autres navires;
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Gallères, et non pas des pires, En doibvent bailler vingte
deux; Or voy-je bien ces Turcs martires, Et les Marrans non pas
joyeulx. Seront bien environ cent voyles Du noble pays d'Italie; Or
regardons les autres toiles Qui sont venuz de Normandie, Avecques la grant
compagnie De Guienne et de la Bretaigne, Et de Prouvence;sur ma vie, La
mer ressemble une montaigne.
Jamais ne fust homme vivant Qui veit
telle puissante armée. La mer semble boys, tant est grant L'armée, et bien
ordonnée; Ell'est de fleurs de lis semée; Trompetes, clerins y
habonde; Ces Turcs Juifz, la Marrannée, Ilz chasseront au bout du
monde.
Noble pays ytalien, Chassez dahors tous ces Marrans Qui
contrefont le chrestien Et de la foy sont mescréans Vôstre pays n'est
habondans, Et subjuguent Napolitains; S'ilz se trouvent sur vous
puissans, De vous feront ny plus ny mains.
Noble pays ytalien,
Vous souliés entretenir L'empereur fort Vaspasien Qui tant de Juifz
fist morir. A tel honneur vous revenir Devez, sans nul doubtance, Par
le noble roy de France.
Noble pays ytalien, II vous devroit bien
souvenir De l'empereur Octovyen Qu'en paix le monde fist tenir, tel
honneur devez venir, Je vous prometz en présence, Par le noble roy de
France. |
Noble pays ytalien, Cy vous vueillez trestous unir Avec
le roy très chrestien, Qui les tous Grecs va secourir La vie du Turc va
finir, Et des gens de mescréanœ Par le noble roy de France.
Prince,
pays ytalien, Recouvrera sa puissance Par le noble roy de
France.
Puys le temps du roy Charlemaigne, Ne fut roy de si grant
noblesse, Qui osast passer la montaigne Du mont Senis, ne
hardiesse. Charles remply de gentillesse, Protecteur de foy
catholicque, Monstrera sa noble prouesse Et son hault vouloir
auctentique.
lamays ne fust, ny ne sera Que Dieu par sa doulce
clémence, N'ait fort aymé, encor fera, La très noble maison de
France; Oncques ne fut sinon potence Pour maintenir la vraye foy De
Jhésus, sans point de doubtance, Et sans varier à sa loy.
Regardons la
dilection Du benoist Dieu de paradis, Qui, sur toute autre nacion, La
maison de France choisis; Par son ange, troys fleurs de lis Divinement
transmist au roy De France qu'on nommait Cloys, Et les receut en noble
arroy; Ces troys fleurs de lis en vérité, Comme sans faulte je le
croy, Au nom de la saincte Trinité Batailleront fort pour la
foy. |