LA PROPHECIE du Roi CHARLES VIII
Ycy croy-je bien
fermement Qui l'un de vous yroit féris, Que l'autre de vous
vrayement Le vengeroit en fait, en dis; Et si vous voy-je tous
unis, Pour aller destruire à oultrance Les ennemys des fleurs de
lis, Aussi de la maison de France.
Et vous, messieurs les
capitaines De France, tous en général, Monstrez cy voz euvres
haultaines, Qu'on en parle d'amont, d'aval. Couraige! montez à
cheval. Conduisez voz gens vaillament, Car autrement yroit tout mal, Et
aurez honneur grandement.
Et tous vous autres, gens de guerre, Tant
piétons que bombardiers, Allez vous en vers celle terre Contre ces
villains usuriers; Ilz ont ducas à beaulx milliers, Et ont les Turcs à
leur commande. Piquiers, archiers, arbalestiers, Ces gens là je vous
recommande.
Si vous voulez estre vaillans, En ceste guerre qu'on
ordonne, Vous en viendrez riches, puissans, Aussi sains de vostre
personne. Quant à ma part, vous j'abandonne Les Fleurentins, à ceste
foys, Et leur faictes guerre si bonne Qu'il leur souviégne des
Françoys.
lamays ne nous furent courtoys, De nous se truffent à
oultrance, Disant, quant voyent un Françoys : « Vien ça, vien, mon amy de
France; « Pille bouteille et laisse lance, « Et pisse vin soubto lo banc.
» Si leur monstrez votre puissance, Et leur faictez pisser le sang. |
Las ! se j'eusse charge de gens, Comme belcop d'aultres
ares, J'allasse veoir ces mescréans Pour leur aprendre noz
barres. Puisqu'à barres ou escadres Ils jouent et à la navice, Je leur
trousseroys les narres Si bien que plus il n'y tornisse.
Des
Fleurentins m'esbays Et de leur gouvernement; Jusqu'ycy la fleur de
lis, Ont servy révéremment. Asteure-cy vrayement Servent de bel parler
cault; Maintenant le sens leur fault.
Plusieurs foys fussent
destruiz Et tous mys à saquement, Si ne fût feu roy Loys. Qui les
maintint puissamment. Asteure-cy meschamment, Le cqgnoissent ny leur
chault; Maintenant le sens leur fault.
L’or et l'argent du pays De
France, certainement Ilz ont tiré, je le dis, Par usure,
bancquement. De France l'avancement Ont éu, et bas et hault. Maintenant
le sens leur fault.
Prince, ilz sont ennemys De nature sans
deffault; Maintenant le sens leur fault.
Vous estes bien
oultrecuydez, Marrans, usuriers de Florence, De vouloir faire
résistance Contre le roy dont offendez.
Et pour voz ducas ainsi
cuydez Achapter contre ly puissance, Vous estes bien oultrecuydez. |
Ducas ne vous ne ly nuyrez, A Mais yra le bon roy de
France Pour vous destruire à belle lance Et ville et gens, si ne
vuydez, Vous estes bien oultrecuydez
Las!Fleurentins, confessez
vous Et pencez bien à vostre cas, Car je vous jure sainct Lucas, L'on
vous assommera de coups
Ne vous fiez à parler doulx, Ny d'eschaper
pour voz ducas, Las! Fleurentins, confessez-vous
Vous estes ennemys de
tous; De malzvueillans avez grant tas Contre vous s'en vont pas à
pas Et vous donrront ung mal repoux; Las ! Fleurentins, confessez-
vous
Nobles Francoys, haulcez la lance Comme ceulx là très
chrestiens, Et mectez à obéissance Ces Fleurentins et ces
payens.
Ilz ont fait venir Turcs et chiens Pour leur secours et
aliance; Nobles Françoys, haulsez la lance, Comme ceulx là très
chrestiens.
Ont aussi grant habondance De Juifz, Moros,
Suriens, Les Turcs et tant d'autres payens, Pour mener guerre au roy de
France ; Nobles Françoys, haulcez la lance, Comme ceulx là très
chrestiens, Et mectez à obéissance Ces Fleurentins et ces payens.
Or parlons de ce fol de Naples Alfonse, et [sa] génélogie; II
n'est pas roy, mais est ung diables Extraict de la marranerie, Son père
bastard, quoy qu'on en die, Filz d'une vilaine barbière, Laquelle fût,
toute sa vie, De Valance grant cantonière.
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