LA PROPHECIE du Roi CHARLES VIII
Or a bon droit le roy
de France D'avoir le royaume de Naples De par le conte de Prouvence, Et
duc d'Anjou, sans point de fables, Et par ses bons droits raisonnables Que
feu roy Charles ly laissa Sur les pays tous conquestables, Car très juste
querele il a.
Vous voyez que le roy y va, Et n'y va pas pour
cupidité, Ny avarice; car il en a Assez en France, pour vérité, Mais
va pour la chrestianité, Là est, sa récréacion, Et pour batre
l'infidélité, Ilecq fera une maison.
Or voyons comment Dieu
labeure Qui a transmis au roy de France, Pour faire sa besoigne
seure, Homme de grant magnifficence Qui l'instruyra par
remonstrance, De tout le pays de delà, C'est le cardinal, sans
doubtance; Que l'on appelle Ad vincula
Cecy viendra bien à
propos De ce que dit la prophécie, |
Qu'à la mort il doit mectre tous Les mauvais clercs; sur ma
vie, Saincte Esglise est toute abolie, Sismatée et corrompue, Cela est
vray, quoyque l'on die, Chascun le veoit à plaine veue.
Dieu en Romme
de par delà Envoya son sainct Esperit Au cardinal Ad
vincula, Que saincte Esglise maintenit. Et le bon seigneur fort
subit, A ce pape et cardinaulx Leur remonstrant, selon Dieu, dit Des
gens d'Esglise les griefz maulx.
Mais aucuns plains de mâle
sorte, Qui occupent les biens de Dieu, Du nom desquelz je me
desporte, Ont sismaté le très sainct lieu, Mais je vous jure sainct
Mathieu, Avant que soit guière de temps, Ceulx qu'ont l'Esglise
corrompu, Dieu les fera très mal contens.
Dieu ait l'âme de pape
Sixte Qui fut oncle du cardinal Ad vincula, qu'estoit fort
mixte, Et de Dieu vicaire féal, L'Esglise régnoit par esgal, Et combien
qu'il fut Genevoys, De Sarna filz original, Tousiours il fut loyal
Françoys.
Entre les princes, en maint lieu, Tousiours procura bonne
paix; Et des biens qu'il avoit de Dieu, II a de beaulx hospitaulx
fâiz; Les temples de Dieu a refiaiz, Augmentant le divin service, Et
d'autres biens a fort parfaiz ; Point ne lui chaloit d'avarice.
Et son
neveu Ad vincula Voyant asteure le désordre De saincte Esglise
de delà, C'est essayé la mectre en ordre. Aucuns ont voulu sur ly
mordre Par grant envye inextimable; |
Mais l'envie sur eulx remordre Viendra, et sera
dommaigeable.
Mondit seigneur le cardinal En tous les affaires de
France A ce pape, en son tribunal, De Naples il fist remonstrance Que
le roy françois, sans doubtance, Avoît au roiaume de Naples Très juste
droit sans défaillance Et d'autres biens moult honnorables.
Mais non
obstant la remonstrance Que fist ce noble cardinal Et les ambaxadeurs de
France, Couronna l'autre en tribunal; Au cardinal voulsit grant
mal Pour ce que France maintenoit, Au roy de France fust loyal, Lors le
monstra par cest endroit.
Delà aucuns, ses ennemys, Contraires de son
bon couraige, S'efforçarent de le trahiz. Et ly voulsirent faire
oultraige. Mais ly, comme prudent et saige, Et par son subtil
esperit, Les contenta par doulx langaige, Si bien que nul d'eux ne s'en
rit.
Et le vray Dieu du fermement, Voyant tousiours son bon
vouloir, Luy a donné l'entendement Qu'oncqués ne l'ont sceu
decepvoir Le bon seigneur est venu veoir Le très chrestien roy de
France, Comme bras d'Esglise, pour voir, Et vint en grant magnifficence.
Cy ay en Dieu ferme espérance Que nostre mère saincte Esglise, Par
le très noble roy de France En bon ordre sera remise; Ad vincula,
quoy qu'on devise, Le bon et noble cardinal, Aura des ennemys
maistrise, Et les fera pugnir du mal. |